Voyageuse imaginaire, ce titre sied bien à Clairette
Gras.
En effet, tant par ses nouvelles que par ses
tableaux elle réussit à emporter le lecteur et le regard vers des décors
bucoliques et oniriques véritables invitations au voyage.
Comme première question je souhaiterai connaitre ton
parcours et les éléments qui t’ont amené vers l’écriture ?
« Je
pourrais te définir ça comme une espèce de révélation qui m’est venue sur le
tard dans la mesure où j’ai un parcours professionnel qui n’était pas forcément
lié à l’écriture si ce n’est que j’ai créé en 2007 une association d’atelier d’écriture/rencontre
littéraire/lecture, car j’ai toujours été entourée de livres.
C’est vrai que
le mot a beaucoup d’importance pour moi, j’ai des souvenirs d’enfance où je
composais moi-même mes petits
dictionnaires. Dès que j’entendais un mot qui me semblait intéressant ou important, je
l’écrivais, je donnais ma propre définition. »
« Il y en a
un qui m’est resté, c’est le mot « Subtil » et qui est très important pour moi dans ma vie de
tous les jours. Avoir de la subtilité,
je trouve que c’est quelque chose d’important. »
« L’écriture
c’est arrivé assez tard par ce que j’ai commencé à écrire réellement aux
alentours de 2007-2008.
C’était du
chuchotement sur le papier, je suis très lente à l’écrit parce que je recherche
une forme de pertinence.
C’est vrai que je
me définis comme une voyageuse imaginaire parce que je voyage peu et que j’observe
énormément les autres. J’écoute, j’entends, je prends des notes et à partir de
là je construis soit des histoires soit des instantanés qui sont comme des
photos mais que je pose par écrit. »
Puisque
tu parles de rencontres, en 2007, tu as créé l’association « A
nos plumes » avec laquelle tu as monté des projets culturels pourrais-tu
nous en parler un peu plus ?
« Quand
j’ai créé l’association en 2007, la première rencontre s’est faite avec le
responsable de l’espace jeune de Saint Rémi de Provence là où j’habitais à l’époque
qui se nomme Philippe Chauvet.
Si un jour il
voit cette interview, je tiens à ce
qu’il sache qu’encore aujourd’hui je lui dois beaucoup de choses car grâce à
lui, grâce au fait qu’il ait accepté que j’anime des ateliers d’écriture, j’ai
pu travailler en collaboration avec des jeunes pendant 6 ans d’affilé tous les
mercredis après-midi.
Ils étaient 8
âgés de 12 ans la première année et on a
fini avec eux l’année du Bac. Cela a été un parcours exceptionnel parce que
cela nous a permis de rencontrer des gens de théâtre. On a travaillé avec le
théâtre d’Arles, on a fait des rencontres avec des auteurs, des metteurs en scène
qui avaient beaucoup appréciés le travail d’écriture qui avaient été faits au
sein de l’association.
On a également
travaillé pour une association à Marseille qui s’appelle Arteco dans le cadre d’un projet qui s’appelait « L’esprit des cafés, l’âme des poètes ». C’est une association qui a monté un
spectacle pour visiter les cafés à l’ancienne avec des artistes de différents
pays de l’Est : l’Italie, la Tchécoslovaquie, etc.
On a incorporé
les textes des jeunes qui ont été lu par deux lecteurs professionnels dans ce
spectacle qui a été joué à Arles la première fois. Hélas nous ne sommes pas
partis à l’étranger avec eux. Ils ont fini à Paris. Ce spectacle a été joué
dans les cafés de ces villes les premiers qui ont été créé où des poètes, des
auteurs venaient écrire. Cela aurait pu être le Café de Flore à Paris par
exemple.
Cela a été une
belle expérience qui s’est arrêtée en 2012 mais j’ai toujours des contacts avec
certains jeunes qui me demandent encore pourquoi je suis partie et pourquoi je
ne travaille plus avec eux (rire) »
Parmi
les rencontres importantes d’un point de vue littéraire, deux auteurs ont été
importants pour toi dans ton processus créatif : Grace Paley et Karen
Blixen ?
« Ce sont 2
auteurs qui ont été importants dans ma vie. Je dirai presque que Grace Paley a
été l’inspiratrice pour moi au niveau de l’écriture. Je n’aurais jamais la
prétention d’écrire comme elle C’est une
nouvelliste américaine, décédée en 2007, qui était une grande Humaniste donc
déjà il y a quelque chose chez cette
femme qui m’attire évidemment. Je pense que si elle avait été une horrible
réactionnaire fasciste je l’aurais vu sous un autre angle c’est sûr ! »
« Elle
était en parfait adéquation entre ce qu’elle était dans sa vie de femme et dans
ses écrits. Elle a pour moi dans son écriture un art de la chute et c’est ce à
quoi je m’emploie lorsque j’écris une nouvelle, faire en sorte que mes chutes
soient pertinentes, parlantes, et ouvrent à autre chose mais qui en même temps closent
l’histoire sans que personne puisse se
sentir frustré. C’est un auteur important, elle est toujours présente
régulièrement quand j’écris ou je colle.
Il y a des documentaires en anglais qui ont été
réalisés sur elle que j’écoute en boucle. Je parle très peu l’anglais donc je
ne comprends pas toujours ce qu’elle dit, mais peu importe c’est le son de sa
voix qui me berce. »
« Quant à
Karen Blixen, j’ai fait sa connaissance si je puis dire, tout simplement par le
biais du film « Out of
Africa » avec la magnifique Meryl Streep. Quand j’ai
acheté le livre « la ferme africaine » qui sert de base à ce film, le
rapport était un peu éloigné mais bon, j’ai trouvé cela intéressant.
Karen Blixen,
c’est une femme qui a vécu dans les années 30 et qui a eu pour moi un parcours
extraordinaire. Je ne sais pas si dans son quotidien c’était rose tous les
jours mais en attendant j’aime bien ces
femmes fortes qui arrivent à exister puis en plus à écrire, c’est la magie pour
moi »
En regardant les titres de tes recueils de nouvelles Temps de pause paru en
2012 et Chuchotements
paru en 2014, il ressort une certaine tranquillité et quiétude. Est-ce ton état
d’esprit depuis toujours ou est-ce un nouvel état d’apaisement ?
« Ce qui
est très curieux avec les titres de ces recueils c’est qu’ils me sont venus
spontanément. Par contre le calme et la quiétude c’est plus au fonds de moi que
dans ma vie de tous les jours
Je suis
quelqu’un d’assez vif, réactif donc c’est peut-être ce à quoi j’aspire une
forme de calme et de quiétude mais pour l’instant je ne peux pas vraiment dire
que cela fasse partie de la personnalité que l’on peut voir immédiatement chez
moi. »
Au
sein du recueil Temps de pause,
tu mentionnes dans la dédicace au début du livre les prénoms Marie Françoise et
Franck.
J’aimerai
bien savoir qui sont ces personnes et quels ont été leurs rôles dans
l’élaboration ou le processus créatif du recueil ?
« C’est
amusant car tu es à la première personne à me poser la question. J’ai l’impression
que finalement cela n’a interpellé personne. Marie Françoise, c’était une amie
précieuse qui m’a énormément apporté sur le plan humain qui a eu la fâcheuse
idée de décéder il y a tout juste 10 ans.
Je ne sais s’il y a un ailleurs quelque part mais s’il existe je tiens à ce qu’elle sache qu’elle n’y est pour rien dans mes écrits mais elle a été une espèce d’ange gardien dans ma vie.
Je ne sais s’il y a un ailleurs quelque part mais s’il existe je tiens à ce qu’elle sache qu’elle n’y est pour rien dans mes écrits mais elle a été une espèce d’ange gardien dans ma vie.
Quant à Franck,
c’est un Monsieur qui a compté et qui compte beaucoup pour moi encore
aujourd’hui, mais lui je n’en dirai pas plus … »
En
quatrième de couverture tu indiques je te cite « … Et surtout Alfred nous avait confié une mission ! Récoltez les
bruits, la sève de cette vie … ». Qui est Alfred, personne existante,
pure fiction ?
« Un jour à
Avignon, rue des teinturiers qui est une rue très connue, une des plus
anciennes d’Avignon (N.d.r : Une très belle rue
que j’ai eu souvent l’occasion d’arpenter lors des différents festivals
d’Avignon auxquels je suis allé), il
y avait une espèce de collage d’Art
urbain d’Alfred Hitchcock. D’ailleurs inconsciemment je me demande si l’idée du
collage ne m’est pas venue de là car j’avais été impressionnée.
J’étais assise
sur un banc en pierre juste en face et j’ai commencé à écrire une histoire :
« Alfred le teinturier »
je trouvais cela très amusant.
C’était un jour
où il y avait des manifestations d’artistes dans la rue. J’entendais plein de
choses. Ce que j’ai écrit dans le livre à un moment donné c’est tout ce que
j’ai entendu et puis voilà ça m’est venu comme ça. »
Dans
Temps de pause, tu as écrit
une nouvelle qui se nomme « Rencontre »
puis plus tard tu as écrit « Louise »
dans Chuchotements .
Dans
ces 2 nouvelles tu traites de la douce folie de façon onirique et bucolique à
travers la boite d’Eléonore dans « Rencontre »
et l’énigmatique phrase « Je veux
vivre dans la boite de sardines que je mange » de « Louise ».
Est-ce
que la douce folie est un thème qui t’es cher ?
« Je me
suis rendu compte que j’aimais bien écrire sur la frontière entre la Normalité
et la Folie, sur le Hors cadre où on est toujours entre 2 puisque je pense que
nous sommes tous un peu comme ça. C’est plus ou moins flagrant ou défini chez
certaines personnes mais moi c’est quelque chose qui m’inspire.
A partir du
moment où j’écris une histoire en rapport avec cette petite folie, cela vient assez rapidement et assez
facilement.
Louise fait
en effet écho Rencontre qui
est une histoire courte qui raconte la rencontre de Charles et Eléonore.
Je continue à écrire
des histoires, je continue de rechercher la pertinence. »
Dans
ton ouvrage Chuchotements, tu
fais vraiment le lien entre collage et écritures puisque chaque texte est
accompagné du collage afférent ce qui apporte un complément graphique aux mots
Au
sein de ce recueil, il y a plusieurs textes sur lesquels j’ai accroché
notamment « Trop tard »
qui parle de la course aveugle au surplus d’’informations plutôt qu’à la
décision et « Rijeka »
texte fort concernant la guerre sur lequel je voudrais que tu me dises quelques
mots.
« Rijeka est un texte particulièrement
important pour moi puisqu’il réunit plusieurs éléments qui sont
importants : l’Amour, la Rupture et la Guerre.
Rijeka, c’est
une ville de Yougoslavie où je suis allé en vacances en 1969. J’en ai gardé un
souvenir assez prégnant et quand la guerre a été déclarée au début des années
90 là-bas, je venais d’accoucher de ma dernière fille. J’avais été extrêmement
troublée car il y avait cette proximité et on avait l’impression que c’était
vraiment là, c’était vraiment troublant. »
« J’ai
écrit Rijeka l’année
dernière, ça m’est venue assez naturellement
puisque je fais allusion à certains lieux alors que Rijeka on n’en a pas
entendu parler pendant la guerre. »
« Le
collage m’est venu avant la nouvelle curieusement parce qu’à un moment donné je
me suis rendu compte que j’avais trop d’images qui m’arrivaient à la tête, si
j’e n’arrivais pas à écrire, il fallait que je les pose quelque part.
Le collage
dépasse aujourd’hui le stade du papier puisque je travaille avec l’aquarelle et
l’acrylique sur mes tableaux. »
Au
sein de ces deux recueils se trouvent disséminés
des intrigues policières dans lesquelles l’Europe de l’Est est présente à
travers les personnages, est ce voulu ?
Ces
intrigues ont quand même un défaut, elles sont trop courtes… Alors à quand une
nouvelle plus longue ou un roman ?
« L’Europ de l’Est, je n’en sais strictement
rien, ça vient comme ça.
Pour Rijeka, il
y avait une raison mais pour les
nouvelles policières, je ne vois pas. Peut-être que j’ai une âme slave.
Le roman
policier par contre c’est une longue histoire. Les premiers livres que j’ai
lus, c’est Achille Amet et Agatha Christie qui ont été pour moi la construction
de l’intrigue policière, je trouve ça magique. »
« Ecrire
des nouvelles plus longues je ne sais pas, on me l’a souvent demandé. Pour
l’instant je suis dans le court mais non pas parce que j’ai la flemme mais dans
la construction de mes histoires c’est comme cela que je le voie. »
Concernant
tes collages, tu es en perpétuelle création en réaction parfois avec
l’actualité présente voire récente notamment avec Charlie hebdo.
En
outre, j’ai vu que tu avais fini une trilogie cinématographique ?
« Charlie
hebdo, c’est ma génération, c’est ma jeunesse qui a pris une claque.
Effectivement la violence de ce drame m’a fortement perturbée et j’ai eu une
évidence de faire une composition. Cela m’est venue naturellement, j’aime bien
ce tableau, je le trouve assez violent mais il me plait beaucoup. »
« Quant à
la trilogie cinématographique, c’est parce que je suis une cinéphile accomplie
puis j’ai bien aimé le cinéma des années 70. J’en ai fait un sur l’Italie avec
la Strada, la magnifique Giulietta Masina qui est une des plus grandes actrices
italiennes, un sur la guerre du Vietnam
où j’ai mélangé Apocalypse Now
et Voyage au bout de l’enfer. »
« Le
troisième, ce n’est pas un clin d’œil
mais c’est mon rapport à l’Humain, le rapport Homme-Femme. Cette photo
d’Arthur Miller, Marylin Monroe et Simone Signoret, Yves Montand, on sait en la
regardant ce qui va se passer ou ce qui est en train de se passer, alors en même
temps on va dire que c’est un peu facile
vu que l’on a su après. »
« Je trouve
cette photo très parlante et Arthur Miller est un auteur que j’adore, Simone
Signoret était une actrice exceptionnelle. Pour moi je mettrais en personnage
secondaire : Marylin Monroe et Yves Montand. J’aurais préféré qu’Arthur
Miller parte avec Simone Signoret, cela m’aurait beaucoup plu. (rire) »
En
farfouillant dans ton blog,
je suis tombé sur cette photo de toi en 1958 nommée Enfance qui accompagne le texte « Le passage »
rebaptisé « Ritournelle »
dans le recueil Temps de pause.
J’aimerais
bien avoir tes impressions sur la photo et le texte qui l’accompagne.
« En
fait j’ai très peu de photos de moi quand j’étais enfant. Cette photo ne
m’évoque absolument rien du tout. Par contre je la trouve belle parce qu’elle
est marrante. Je sais que c’est maman qui avait fait le costume et j’ai un vrai
sourire donc je pense que je devais être heureuse et c’est ça qui est important. »
« Ce texte je l’ai écrit, je le trouve très joli » (elle le
lit)
LE PASSAGE
Je reviens de mon enfance
J'ai pris le premier train en partance
Personne n'a réalisé mon absence.
Mais rien ne fut plus beau
Que ce voyage absent de maux
Je suis partie longtemps,
très longtemps
J'ai su apprécier tout ce temps
Ce temps qui m'était donné
Ce temps qui m'a été confié.
J'ai oublié mon enfance
Mais je me rappelle cette danse
Cette ritournelle qui toujours revient
Pour me rappeler que rien ne fut vain.
Je reviens de mon enfance
J'ai pris le premier train en partance
Personne n'a réalisé mon absence.
Mais rien ne fut plus beau
Que ce voyage absent de maux
Je suis partie longtemps,
très longtemps
J'ai su apprécier tout ce temps
Ce temps qui m'était donné
Ce temps qui m'a été confié.
J'ai oublié mon enfance
Mais je me rappelle cette danse
Cette ritournelle qui toujours revient
Pour me rappeler que rien ne fut vain.
« C’est intéressant
de le lire parce que je trouve qu’il définit parfaitement mon parcours curieusement.
C’est entre la nostalgie, la mélancolie, la réalité, … J’ai toujours eu peur
d’avoir l’âge que j’ai aujourd’hui et en fait je ne dirais pas que je n’ai
jamais été aussi bien mais quelque part
si puisque je suis en pleine réalisation, en pleine concrétisation sur plein de
choses puis je rencontre des personnes qui apprécient ce que je suis, ce que je fais donc ça ne peut pas être mieux. »
Concernant l'actualité de Clairette Gras, vous pouvez la retrouver :
Concernant l'actualité de Clairette Gras, vous pouvez la retrouver :
- Mercredi 4 mars 2015 toute la journée : Galerie marchande de Carrefour Narbonne ZAC Bonne source où elle participe avec l’association Mille poètes Aude durant le printemps des poètes
- Du Mardi 2 au Mardi 31 mars 2015 : Exposition au El LIndo
!!!!!!
Vernissage : Vendredi 6 mars 2015 à 18 h
- Samedi 7 mars 2015 de 14h à 17h : Dédicaces de ces recueils à la librairie Libellis
Pour information je vous informe que Clairette Gras
a créé sur Narbonne une nouvelle association qui s’appelle « les sentiers de l’écriture et du collage »
réunion de ces 2 activités, n’hésitez pas à la contacter.
Pour en connaitre un peu plus sur Clairette
direction ses blogs :
Restez
connecté et curieux.
Célestin
Crédits photo :
Blog Ecrits et collages
Blog A nos plumes
Célestin
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